Pour faire vite
Petite histoire
Notre grand-père, roi de cette fameuse nation de Mû, avait coutume de dire : “La chance sourit aux audacieux et la vérité aux escrocs. Souvenez-vous de ceux, qui, n’ayant point de bien, vivent d’adresse et d’invention.”
Alors nous avons fouillé dans les histoires d’escrocs, de bêtes de foire, de celles et ceux qui ont fait un pas de côté dans l’existence et qui ont créé leurs propres réalités. On s’est dit qu’il fallait embarquer avec nous tous ces personnages. On a cherché dans les autres ce qui pouvait faire partie de nous. En suivant les préceptes de notre illustre ancêtre, nous sommes partis chercher des tréteaux accueillants.
On a dormi dans des hôtels de luxe, on a dormi dans la boue. Nous sommes résolus à être partout, du confins des théâtres, de la cave au jardin, de la piste de cirque au bout du trottoir d’un festival, on est prêt à manger à toutes les tables. Les acteurices, les marionnettistes, les illusionnistes, et les autres rusées ne nous font pas peur. Nous allons chercher les dingues là où ils sont, voilà notre noble quête.
Nous avons aimé les textes anciens, les grimoires hermétiques, mais aussi les nouvelles lignes, les mots qui courent entre les bouches. On rêve d’une langue particulière, de mots choisis avec soin. D’une langue à glisser au creux des oreilles.
C’est pendant des hallucinations salvatrices que nous nous sommes mis à aimer le théâtre. Car attention à ne pas se méprendre : c’est du théâtre que l’on fait. Nous rêvons d’actrices magiciennes, d’acteurs marionnettistes, exubérants, virtuoses et magnifiques.
Nous voilà. Prêt à embarquer chaque personne assez naïve pour nous croire. À lui montrer des chimères et des loups-garous, l'intime et le spectaculaire.
Chaque soir, avant d’éteindre la lumière, notre grand-père murmurait : “La seule façon d’être plus grand que la vie, c’est de mentir.”